29 avril 2009

LES GARCONS ET LES CHEMISES

Il existe un lien particulier entre les garçons et les chemises. Un lien étrange, quasi mystique. Loin des filles décomplexées qui passent sans sourciller de la micro-jupe au boyfriend jean, il semble que la chemise pour le garçon soit entourée d'un aura particulier, une sorte de respect bienveillant.

Quand ils sont petits, ils les aiment et les détestent à la fois. C'est l'habit du dimanche, celui que la méchante maman les force à mettre pour la communion du cousin pas très sympa, la chemise pas pratique qui serre au poignet, dans laquelle on se sent engoncé, pataud, pas vraiment soi. Mais il y a du respect aussi, de la fierté. C'est l'habit de papa alors on tente d'y faire attention . Pour beaucoup d'enfants de notre génération, la chemise c'est la tenue des pères : plus ou moins formelle, plus ou moins débraillée, plus ou moins colorée, plus ou moins proche d'un polo ou de plus ou moins de bon goût. Il n'empêche, la chemise c'est leur tenue, on a l'impression qu'ils l'ont toujours portée.

Et puis ils grandissent un peu, deviennent ado. La chemise porte en elle une symbolique liée au père, au respect, au pouvoir : ceux qui cherchent à s'en distinguer la dédaignent, ceux qui cherchent à imiter l'adoptent : un substitut de crédibilité. C'est toujours amusant de voir les étudiants en école de commerce pour ça, les jours où ils ont des oraux. Le costume-chemise-cravate devient obligatoire et ils ont l'air gauches, ces garçons déguisés en mini-banquiers dans des vestes trop larges aux épaules, empruntées à leur père ou à leur grand frère. Les seuls qui portent parfaitement la chemise au quotidien dès l'adolescence, ce sont les fils à papa des quartiers huppés. Les preppy boys au sens premier du terme. Pour eux, la chemise est très tôt comme une seconde peau, mais pour la même raison : ressembler à papa. On l'accessoirise d'une montre de luxe et on fume des cigares et hop, on est déjà un peu plus crédible.
Il faut voir le mythe qui entoure la chemise. Par elle, le garçon jeune ou mal à l'aise s'achète une légitimité. En banlieue, les mecs ont l'habitude de ça : pour rentrer en club, pour être 'chic', il n'y a que la chemise comme alternative.

Enfin, un jour, elle arrête de devenir un déguisement. D'abord par une qui s'inscrit comme un complément du look, sans changement trop radical. Une matière agréable, un imprimé à carreaux, un détail amusant : on la met plus souvent, elle perd de son côté exceptionnel pour devenir un objet du quotidien. On ose même la déclinaison classique. Elle ne rappelle plus son père, elle est familière. Et comme elle permet plus de déclinaisons que les classiques tee-shirt et polos, une expression plus personnelle, on finit par l'adopter.


Tiffany Buathier © Felix Larher

L'autre jour, je dinais avec un groupe de garçons. J'en connaissais certains depuis assez longtemps pour les avoir vu porter en permanence des variantes du tee-shirt. Tous avaient une personnalité suffisamment affirmée pour pouvoir assumer sans problème un parti-pris stylistique personnel. Et bien non, la chemise classique se déclinait ici aussi du bleu jean au bleu clair. Pas un n'a dérogé à la règle.

On se dit que c'est la mode qui veut ça, on le met sur le compte d'une tendance aux preppy boys. Surement, mais finalement ça y est, quoi qu'il arrive, quelles que soient les tendances futures, elle fait désormais partie intégrante de leur vestiaire. Comme leur père, il ne sont pas nés avec, ils l'ont adoptée à petits pas.

Et si finalement ils avaient juste fini d'être des garçons ? L'un d'eux m'a dit qu'il s'était fait aborder par un garçon plus jeune, habillé comme lui il y a 1 an et il lui a fait cette remarque : 'Tu t'habilles en adulte maintenant?'.

21 avril 2009

LE GRAND MONDE

Dans les immanquables culturels de l'année 2009 figurait définitivement l'exposition 'Le Grand Monde d'Andy Warhol', actuellement au Grand Palais. On affronte la queue et on y va, attendant de voir.

Ethel Scull

Consacrée aux portraits mythiques réalisés par l'artiste, des centaines de sérigraphies couvrent les murs. Des œuvres que l'on a vu 1000 fois et là ce sont les authentiques...
Je m'attends à être touchée, impressionnée, comme ça avait pu déjà être le cas en voyant pour la 1ère fois une oeuvre aperçue jusqu'à lors seulement en reproduction. Et étonnamment, l'effet n'est pas stupéfiant.
Je me balade, c'est sympa, mais je suis pas bluffée non plus, je ne comprends pas vraiment pourquoi. Jusqu'à une remarque anodine, tournée sous forme de plaisanterie, de celui qui m'accompagne 'Trop vu dans D&CO'. Et je me rends compte que c'est ça en fait qui me gêne : trop vu, au mauvais sens du terme.
On a tellement vu le principe grossièrement repris, dans des toiles pour décorer les salons de Valérie Damidot, déclinant les enfants, le mari et la femme en impression warhol ou dans des mugs et calendriers... Alors biensûr, c'est différent, mais ça gache tout de même l'effet : on a du mal à être encore saisis, surpris.

Finalement, venue pour les sérigraphies, je me retrouve beaucoup plus touchée par les oeuvres moins connues. Une préférence pour les autoportraits en travesti et les photos diverses ou, lorsque pour Ethel Scull ou Debbie Harry par exemple, on décrypte le procédé : de la photo de base à l'oeuvre finale.

Autoportrait

Mais ce qui demeure réellement incroyable, c'est la liste des personnalités représentées. L'exposition porte bien son nom, on voit ici le grand monde qui entourait de près ou de loin Andy Warhol, et tous ces personnages devenues des icônes encore vivantes dans notre culture populaire. Un peu comme si dans 50 ans, vous regardiez un album photo de vos rencontres de vie et qu'il n'y avait que les mythes qui ont marqué l'histoire de votre époque. Vertigineux.

Keith Haring and Juan Dubose / Jean-Michel Basquiat

Finalement, comme souvent, ce qu'on retiendra de Warhol c'est le mythe plus que l'oeuvre, studio 54, Factory, décadences et célébrités. Et alors ? A l'heure où certains artistes font de leur vie leur oeuvre, il aura encore été précurseur.

Et pour enfoncer le clou sur ce dernier adjectif : "Tous mes portraits doivent avoir le même format pour qu’ils tiennent tous ensemble et finissent par former un seul grand tableau intitulé Portrait de la société. Bonne idée, non ? Peut-être que le Metropolitan Museum voudra l’acquérir un jour ". Bien vu.

12 avril 2009

QU'AVEZ VOUS FAIT DE VOS INNOVATIONS ?

Que celui qui ne s'est jamais retrouvé les bras ballants devant ses 3 poubelles avec un pot de yaourt sale dans la main à se demander si ça allait dans 'recyclage' ou 'ordures ménagères' me jette la première pierre.

Je suis un pur produit de la nouvelle génération green et comme beaucoup d'autres, c'est le fait qu'on ait glamourisé l'écolo qui me l'a rendu excitant. Plus élevée au jambon-coquillettes qu'au boulghour-soja, je suis de ceux dont l'éducation écologique et la consommation biologique s'est fait à coups d''Une vérité qui dérange' et de magazines. Dieu sait donc qu'il me reste à apprendre.

C'est bizarre mais depuis que ma conscience s'est eveillée, j'ai l'impression que je suis toujours en attente. En attente qu'on me propose des vraies idées, quotidiennes, pour apporter ma modeste contribution. Alors ok pour les lumières et pour la douche mais à part ça ? Elles sont où les grandes innovations des designers qui inventent des produits qui allieront écologie à une consommation contemporaine et abordable ? On n'a jamais eu tant besoin d'eux mais pour l'instant on piétine un peu autour de l'anecdotique.

Mathieu Lehanneur - Local River

Les prises coupe-veille, les éoliennes à domicile, les voitures sans émissions de CO2 tout ça, ça me fait rêver mais où, quand, combien, comment ça marche ?
L'année dernière, avec quelques amis, nous étions invités à intervenir auprès d'une grande marque d'automobile française sur la voiture de demain. On a parlé innovation et fait de grandes théories sur ce qu'il adviendra... Puis vous entendez au détour d'un couloir 'On fera des voitures vertes quand les consommateurs en demanderont' - Pardon ? Vous n'aviez pas un studio consacré à la prospective déjà ?

Quand on fait un tour dans certaines villes, c'est l'accessibilité et la facilité à avoir une démarche éco-consciente qui bluffe. Que ce soit les poubelles de Berlin qui fonctionnent toujours par 4, les supermarchés Whole Food à New York, et je ne parle pas des pays scandinaves, Paris ne saurait plus où se mettre. Vous avez déjà tenté en France de trouver une poubelle à tri sélectif ? Essayez, c'est assez rigolo.

Poubelle greenrepublic.com, 75 euros - sic

La production et la distribution de produits quotidiens ne suivent pas l'évolution des mentalités. Si rien n'est accessible, si rien ne s'adapte à nos modes de vie, à quoi ca sert ?

Et en relisant le Elle Special Green il me semble qu'il y ait un décalage profond avec la réalité.

Exemples en vrac de ce qui, selon eux, peut faire évoluer les choses
' On relooke les draps en linge vintage avec une teinture végétale'
' On achète des draps en chanvre'
' On fait un coffee-table book avec de belles revues écolo comme 'Le Mook' ou encore 'Canopée'' - mon préféré

Thanks for your help.

9 avril 2009

NOT CHIC BUT CHEAP.

COS qui arrive à Paris, Topshop qui livre en France, Abercrombie & Fitch dont trop de mecs nus empêchent de se focaliser sur les produits et Urban Outfitters qui se révèle chaque fois plus décevant, ce ne sont définitivement plus les chaines qui stimulent l'envie de se rendre à Londres pour une virée shopping. S'il reste néanmoins des boutiques toujours intéressantes, les mastodontes qui faisaient rêver les accros de mode à prix abordables ne sont plus.
Sauf peut-être...Primark.

Si vous ne connaissez pas Primark, c'est l'anti tout ce que vous êtes censés aimer. Ce n'est pas chic, pas conceptuel, plein de monde, avec un merchandising digne d'un supermarché et certains partis-pris produits définitivement ratés. Aïe, ca part mal. Mais, tant mieux pour eux, ce n'est pas que ça.

C'est aussi un des exemples d'une mode à petit prix les plus étonnants.

Plutôt que de copier les grandes marques - suivez mon regard - ils ont choisi de 's'inspirer' du moyen de gamme pour construire leurs collections : Top Shop et American Apparel en tête de liste. Quel intérêt ? Le prix.
SI vous pensez qu'H&M ce n'est pas cher, vous n'avez encore rien vu. En gros, comptez 15 euros pour une veste, 12 pour des escarpins, 6 pour un short ou une jupe et 1,5 pour un tee-shirt. Qui dit mieux ?

Vitrine Primark - Mars 2009

Biensûr, on a beaucoup de choses à redire, entre autres sur le choix plus que douteux des matières.
Biensûr, quelques pièces et accessoires seulement sont intéressants : il est nécessaire de savoir chercher, connaitre le détournement et dans tous les cas, la première visite est, pour tout le monde, très décevante. Mais on est ici plus que jamais dans du vêtement jetable. Au vu du prix pratiqué, savoir si on le mettra ou pas devient accessoire.

Vitrine Primark - Mars 2009

Alors évidemment, cela ne rentre pas dans une morale éco-consciente et tout le beau discours que j'ai fait juste avant sur un vêtement qu'on garde et qui évolue avec nous. Mais tout n'est question que d'équilibrage. Et à voir les files de filles qui remplissent le lieu tous les jours de la semaine, il y en a encore à qui la Fast Fashion parle.

Et en temps de crise, y'a pas à dire, le cardigan 100% cachemire à 30 euros, c'est toujours ça de pris.

4 avril 2009

MODE DE MUSEE

Le Design Museum de Londres présente actuellement une rétrospective du travail d'Hussein Chalayan. 15 années décryptées une par une, avec présentation de l'axe développé pour les collections et explication de la démarche créative en mélangeant les supports : silhouettes, vidéos, installations...

Kinship Journeys (Automne-Hiver 2003)

Est-ce que c'est bien ? Bonne question.

Oui. Car le décyptage révèle une démarche créative intéressante qui a en plus l'intelligence d'être poétique.


One hundred and eleven (Sping-Summer 2007)

Non. Car c'est vraiment sympa l'intellectualisation de la mode, développer de nouveaux concepts et créer des métaphores. C'est vraiment sympa mais c'est juste plus ce dont on a envie.

Airborne (Automne-Hiver 2007)

Envie de voir, pourquoi pas, mais pas de porter.

A noter cependant, une signalétique parfaitement pensée qui facilite l'accès au message. Une lettre agrandie sur chaque mur, un cahier avec chaque lettre, la photographie de l'oeuvre et l'explication. Basique mais efficace.

Airmail Dress (Décembre 1999)

Finalement les collections étaient parfaitement bien où elles étaient, dans un musée, où les différents supports permettaient d'exprimer un message complet et les qualités de plasticien d'Hussein Chalayan. Après, on ne parlait pas de vêtements, d'un objet qui accompagne plus qu'il n'existe seul.
On ne voyait pas de tenues destinées à la vie...
Dommage pour moi, c'est ce qui m'intéresse.

Place to Passage (Octobre 2003)

2 avril 2009

H&M DEUXIEME GENERATION

Il y a un an, COS devait ouvrir en France. Pour une fois, on n'allait pas être le dernier pays d'Europe à voir un nouveau concept s'implanter chez nous. Un lobby du quartier plus tard - ils ne voulaient pas que la rue devienne trop 'commerçante' et perde de son cachet historique (un peu d'ironie nous fera noter qu'après l'Eclaireur, Lee Cooper, Zadig & Voltaire, The Kooples & Co, on n'était pas vraiment à ça près) - la boutique ouvrait enfin il y a 15 jours.

C'est finalement comme si le destin faisait bien les choses. Il y a 1 an, on n'était pas encore en pleine crise économique, Suzy Menkes ne titrait pas ses articles 'Is Fast Fashion going out of Fashion?', et on avait encore envie de jetter nos fringues par la fenêtre tous les 3 mois. Tous ces évènements survenus ont accompagné une volonté de plus en plus forte pour une mode beaucoup moins rapide, à l'envers du mouvement amorcé ces dernières années proposant toujours plus de nouveautés, toujours plus vite, toujours moins cher.
Current/Elliot et son boyfriend jean usé est un carton, et on revient vers des produits que l'on garde, des matières doudou et un vêtement qui nous accompagne. En faisant ma valise pour partir en week-end, je me suis rendue compte qu'elle avait beaucoup en commun avec celle réalisée pour la même destination, 6 mois auparavant. Inimaginable auparavant.

C'est là qu'on en revient à COS. Du basique bien coupé, de jolies matières, une gamme de couleur réussie et une certaine qualité - depuis que j'ai nettoyé un pull en cachemire taché de vernis à ongles au dissolvant et qu'il s'en est remis, je leur fais confiance - c'est finalement tout ce dont on a envie maintenant. Des vêtements où l'on a privilégié le modélisme aux artifices. Même si je dois avouer que la collection homme est plus réussie que celle de la femme.

COS - Rue des Rosiers

H&M - à l'origine de COS - aurait-ils encore tout compris ? On a acheté des tee-shirts à message chez eux quand on avait 15 ans, customisé - et raté surtout- des fringues quand on se prenait pour des wannabee stylistes, acheté nos premières pièces mode, juré qu'on y rentrerait plus jamais ('Beaucoup trop mainstream, je préfère le vintage') et finalement trouvé que c'était un complément intéressant dans la garde-robe. Aujourd'hui , il est encore là.

Comme Creeks, Chipie ou Chevignon, H&M aura définitivement marqué ma génération.